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Gérant les débits fluviaux en périodes turbulentes

Inondation au Bangladesh. Peinture par les élèves à l'école des Beaux-Arts Charupeeth, Jessore, au sud-ouest du Bangladesh.
 

par Sonja Vermeulen

"Toujours changeant, le flux incessant et pourtant toujours le même", voila comment Jawaharlal Nehru décrit le Gange. A l’heure actuelle plus d'un demi-milliard de personnes résident dans le bassin du Gange et d’après les prévisions celui ci devrait abriter 720 millions d'ici 2025. Dans leur publication Eau douce, changement climatique et adaptation dans le bassin du Gange Heather Hosterman, Peter McCornick, Elizabeth Kistin, Bharat Sharma et Luna Bharati soutiennent que l'eau sera le principal moyen par lequel le changement climatique aura un impact sur les moyens de subsistance de ces populations. La gestion de l'eau doit donc être au sein des efforts d'adaptation.
L’utilisation de l'eau dans l'agriculture est surprenante. Globalement, l'agriculture irriguée représente environ 68% des prélèvements d'eau et 93% de la consommation (PDF) – les usagers finaux pour des fins domestiques et industrielles représentent le 7% restant. Le bassin du Gange est au niveau le plus haut de ces statistiques: l'agriculture représente 96% des prélèvements au Bangladesh et au Népal, et 86% en Inde. Mais l'approvisionnement en eau doit également être géré pour d'autres utilisations, parfois concurrentes.

Hosterman et ses co-auteurs examinent les impacts probables du changement climatique, et les implications qui surviennent pour la politique d'adaptation à travers les secteurs interconnectés de l'agriculture, l'énergie et les écosystèmes.

Outre la quantité et la qualité générale de l'eau, le timing des flux sera un défi majeur sous le changement climatique, à la fois pour l'agriculture et l'hydroélectricité. Une des prévisions les plus robustes indique que pour le bassin du Gange, la variation intra et inter annuelle des pluies va augmenter. A la fois des périodes d’inondations et de sécheresse menacent la production agricole future. L'inondation majeure de l'année 2007 par exemple, a causé des pertes de rendements de riz de l'ordre d’un million de tonnes au Bangladesh.

Par ailleurs, les glaciers de l'Himalaya qui représentent environ 9% de l'écoulement dans le Gange sont en recul, malgré la distraction des données mal cités dans le dernier rapport du GIEC. Un autre résultat attendu est une augmentation de la fréquence des débâcles glaciaires - dans lesquelles l'eau de fonte collectée derrière un barrage glaciaire se vidange suite à sa brusque rupture. Lors de la plus grande débâcle enregistrée dans le bassin du Gange en 1985, la riviere Bhote Kosi (Nepal) a relâchée jusqu’ à 2000 mètres cubes d’eau par seconde causant des dommages en masse aux cultures et aux infrastructures, et détruisant un nouveau projet hydroélectrique. Le risque de tels événements  et l'une des raisons pour lesquelles le Népal exploite seulement 2% de son potentiel hydroélectrique.

La gestion de la variabilité croissante des flux d'eau, comprenant les événements extrêmes comme les débâcles glaciaires, va être essentielle pour l'agriculture et l'énergie. Les solutions d'ingénierie proposées comprennent les mises à jour de l'infrastructure existante des réservoirs, les barrages, les canaux et stations de pompage, ainsi que de nouvelles idées ambitieuses telles que des systèmes aquifères de recharge gérés à partir de grandes banques d'eau souterraines. Or la technologie n'est pas suffisante. Hosterman et co-auteurs montrent seulement à quel point il sera crucial de renforcer les institutions intersectorielles afin de permettre la prise de décisions difficiles – telles que allouer ou pas un volume fixe d'eau pour le soutient de la vie des écosystèmes fluviaux naturels, même si cela précède la production alimentaire. Les décideurs dans le bassin du Gange ont besoin à la fois la créativité et de collaboration pour veiller à ce que la rivière en constante évolution se maintienne comme la source de vie qu'elle a été pendant des millénaires.

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Ce blog fait partie de la série AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.