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L'agriculture tropicale pourra-t-elle un jour bénéficier du changement climatique?

La science climatique récente suggère qu’en Asie il pourrait y avoir des régions d'optimisme pour la production alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs, mais ce n'est aucune raison pour nous montrer complaisants. Photo: N. Palmer (CIAT).

De nouvelles et très percutantes analyses de la Banque Asiatique de Développement (BAD) ne laissent aucun doute sur le fait que dans le continent où 60% d'entre nous vivons, le changement climatique est le risque le plus important pour la sécurité alimentaire. Au niveau sous-continental, la situation est bien sûr plus complexe. La science récente suggère qu’en Asie il pourrait y avoir des régions d'optimisme pour la production alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs, comme l’illustre la publication de Guillaume Lacombe, Chu Thai Hoanh et Vladimir Smakhtin, de l'International Water Management Institute (IWMIMulti-year variability or unidirectional trends? Mapping long-term precipitation and temperature changes in continental Southeast Asia using PRECIS regional climate model.

Ainsi que de nombreux scientifiques avant eux, Lacombe et ses co-auteurs utilisent le modèle PRECIS pour réduire l’échelle spatiale des projections climatiques mondiales à l’horizon 2050 sous les scénarios SRES A2 et B2 (PDF), au niveau régional de l'Asie du Sud-est. Leur innovation consiste à appliquer un nouveau test statistique pour distinguer les tendances climatiques d’origine anthropiques, des cycles naturels multi-décennaux. Ce qu'ils découvrent est peut-être surprenant: dans la grande majorité des zones terrestres de la région, les précipitations resteraient assez stables - en termes de volume total annuel, saisonnalité, fréquence et intensité d’événements extrêmes.

Les auteurs constatent que presque tous les changements importants dans les précipitations d'origine anthropique devraient se produire sur la mer, et pas sur la terre. La seule exception est l'augmentation des précipitations dans le centre et le nord du Myanmar, ce qui devrait bénéficier la production agricole, étant donné que ces zones sont les plus sèches de la région. Le Cambodge et le sud du Vietnam pourraient éprouver de légères baisses de précipitations en saison sèche, avec des conséquences négligeables pour l'agriculture. L'augmentation de la température prévue pour toute la région (en accord avec les tendances mondiales) pourrait même augmenter les rendements des cultures, en particulier dans les montagnes du Yunnan et dans les régions du nord de la Thaïlande, le Laos et le Myanmar, où de courtes saisons de croissance limitent actuellement la production agricole.

En dépit de ces lueurs d'espoir, les résultats des auteurs ne donnent aucune raison pour nous montrer complaisants sur les impacts climatiques sur l'agriculture dans le Sud-est asiatique. Tout d'abord, aucun modèle n’est parfait, par exemple le modèle PRECIS régional utilise un seul modèle global de circulation générale, ce qui augmente l'incertitude. Deuxièmement, le changement climatique aura d’autres impacts, notamment l'élévation du niveau de la mer qui pourrait saliniser de 80% le delta du Mékong, détruisant la production de riz et déplaçant des millions de personnes. Les impacts du changement climatique sur les pathologies et les maladies restent fondamentalement inconnus. Troisièmement, les agriculteurs de la région devront encore faire face à la grande variabilité saisonnière des précipitations qu’ils ont toujours expérimentées (PDF), y compris les périodes de sécheresse au cours de la période de croissance du riz qui peuvent dévaster les rendements, les inondations et les glissements de terrain qui sont exacerbés par la déforestation.

Lacombe et ses coauteurs finissent leur publication en regardent au-delà de l'agriculture émettant la recommandation de concentrer les recherches futures sur la façon dont les tendances climatiques vont interagir avec d'autres grands changements environnementaux associés à des transitions socio-économiques et démographiques dans la région. Les tendances clefs en Asie, identifiées comme domaines préoccupants dans le rapport de la BAD, vont de la politique commerciale à une population sans cesse croissante et plus jeune. Ce sont les défis de l'adaptation aux changements climatiques. D'une autre part, le commerce et de la jeunesse peuvent aussi être la source de solutions pour un avenir qui garantisse un monde bien nourri.

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Ce blog fait partie de la série AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.