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Adaptation: tout le monde en parle et personne n’agit?

Une agricultrice dans le village de Jamnapur, Bihar, en Inde, une région qui dép

Une des répercussions mondiales du récent tremblement de terre au Japon a été une hausse des investissements dans les énergies renouvelables. Sans doute cette réaction violente á l’encontre de l'énergie nucléaire va passer, mais la réponse est un reflet typique de la tendance humaine à n’agir sur les défis à long terme que s'ils sont provoqués par une crise. L’article Sommes-nous en train de nous adapter au changement climatique? par Lea Berrang-Ford, James Ford et Jaclyn Paterson, montre comment les événements extrêmes sont des stimuli essentiels pour des actions concrètes en faveur de l'adaptation au changement climatique. Dans l'agriculture, les inondations et les sécheresses en particulier, mais plus généralement la variabilité croissante des précipitations, motive des adaptations délibérées à l'égard des changements climatiques actuels et futurs.
L'humanité est bien consciente de l'ampleur et l'urgence de relever le défi de l’adaptation. Les invitations á agir sont convaincantes. Or, comme le démontrent Berrang-Ford et ses co-auteurs, la littérature actuelle comprend bien plus d’exemples d'intentions et de plans pour l'action que de cas effectifs de mise en œuvre. La bonne nouvelle est qu’au cours des dernières années, on observe une légère augmentation de ces actions et une dissémination rassurante á travers différents pays et secteurs.

Un impressionnant 55% des articles de la révision bibliographique faite par les auteurs décrivent des mesures d'adaptation dans l'agriculture. Ceci  situe le secteur au deuxième rang après les services publics au niveau du nombre de rapports sur l'adaptation. Plus d'un tiers des articles adressent également la sécurité alimentaire et des ressources naturelles. La sécurité alimentaire et l'agriculture sont des centres d’intérêt particuliers dans les pays à faible revenu, où les mesures d’adaptation sont souvent des initiatives communautaires, plutôt que d’origine descentes (top-down), et réactive plutôt que proactive. Berrang-Ford et al. notent que la plupart des adaptations sont motivées par une combinaison de défis de développement et rarement par le changement climatique á lui seul. Peut-être le «déficit d’adaptation", notre incapacité à répondre de façon adéquate aux risques climatiques actuels, est d’avantage un déficit de développement dans de nombreux des pays les plus pauvres.

Berrang-Ford et ses collègues remarquent de façon provocatrice que le déficit d'adaptation ne peut être attribué au manque de connaissances, vu qu’en quatre ans il y a eu 1741 articles scientifiques sur le sujet. Une question essentielle et de grande envergure est : Qu'est-ce qui dissocie la politique et l'action de la recherche? Certains voient la recherche uniquement comme un précurseur des mesures d’adaptation, mais d'autres soutiennent que la recherche est elle-même l'un des investissements les plus importants que nous pouvons faire pour nous adapter à des climats futurs. Il ne fait aucun doute que la recherche agricole, qu'elles soient scientifiques ou informelle, nous offre des pratiques, des variétés et des technologies mieux adaptées.

Cela nous amène à l’intéressante méthodologie de recherche de l’article de Berrang-Ford et al: un tri et une analyse rigoureuse de toute la littérature anglophone disponible de revues á comité de lecture ; une méthodologie similaire aux révisions systématiques qui deviennent de plus en plus la norme dans le milieu de la recherche médicale. Cette approche présente des avantages inégalés évitant les biais et permettant la quantification. On peut dire que son principal inconvénient est que nous ne savons pas si la distribution du contenu dans les articles á comité de lecture reflète les phénomènes du monde réel ou tout simplement des préoccupations d’ordre académiques. Peut-être les mesures d'adaptation sont en plein essor au-delà des regards intellectuels. Les agriculteurs ont des rapports très étroits avec leurs zones agro-écologiques locales et répondent, depuis des millénaires, aux risques climatiques par une gestion adaptative – liant ainsi recherche et action.

 


Ce blog fait partie de la série AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.