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Fertilisant une transformation de l'agriculture chinoise

Un agriculteur dans le sud de la Chine applique des engrais sur un champ de riz. Photo: Guenfu Clark, Flickr.

La Chine a entamé la décennie avec son premier recensement national des sources de pollution environnementale. Résultat de trois années de collecte de données, celui-ci a mobilisé plus d'un demi million de personnes. Le secteur agricole a été inclus pour la première fois dans les statistiques officielles et s'est révélé comme un grand pollueur. D'après l'étude, chaque année plus de 13 millions de tonnes d'effluents issus des engrais et des pesticides seraient déversés dans les cours d’eaux.

La Chine est désormais le plus grand producteur et consommateur mondial d'engrais synthétiques d'azote et phosphore. Environ un tiers de leur utilisation et leur production mondiale lui est attribué.

L'application d'engrais en grandes quantités a non seulement des implications pour la pollution des eaux mais également pour les émissions de gaz à effet de serre. En Chine, le dernier recensement de GES a été réalisé en 2000. Depuis, les scientifiques cherchent activement à améliorer les estimations et a rassemblé des évidences qui alimentent le débat public et contribuent à  l'élaboration de politiques. Pour exemple, le récent article de Fredrich Kahrl Greenhouse gas emissions from nitrogen fertilizer use in China.

De précédentes études chinoises faites sur le terrain ont montré que les agriculteurs pourraient réduire l'application d'engrais azotés de 20-30% sans répercussions sur le rendement des cultures. Kahrl et ses collègues estiment que si ce principe était extensible, en réduisant l’intensité d’utilisation des engrais, vers 2020 les agriculteurs pourraient économiser 7 à 10 MtNa tout en maintenant le niveau de leurs récoltes. Le potentiel d'atténuation est impressionnant. La réduction des émissions de GES serait de 100-310 Mt CO2e an-1, c’est à  dire une valeur équivalent au pire des cas (-pour la valeur la plus basse) à  environ le potentiel d'atténuation de tout le secteur électrique de l'Indonésie voir même celui de toute l'Afrique (pour la valeur la plus haute).

La contribution particulière de Kahrl et ses collègues réside dans le nouveau facteur d’émission de GES calculé pour les engrais azotés en Chine. Plus globalement, leurs conclusions viennent s'ajouter au consensus croissant selon lequel la diminution dans l'utilisation d'engrais serait bénéfique à la fois pour les émissions, l'environnement et les revenus des agriculteurs. Malheureusement, en ce qui concerne les moyens pour y parvenir, le consensus fait bien défaut.

La solution technique pour accroître l'efficacité des engrais azotés consiste à appliquer des quantités et des combinaisons bien précises à des moments particuliers des régimes des eaux et des étapes de vie des cultures ; une tâche nécessitant une importante main-d'œuvre.

Les engrais représentent 40% des coûts des intrants hors main d’oeuvre [3], mais les agriculteurs chinois ne peuvent pas parvenir à en économiser s’ils n’ont pas plus de temps et une meilleure technologie d'irrigation. Par ailleurs, ils ont également tendance à pécher par excès étant trop généreux lors de l'application et cherchant à éviter toute perte de rendement. C’est un risque qu'ils ne peuvent tout simplement pas se permettre ayant des exploitations de moins d'un hectare.

Peut-être la solution de la part des décideurs consiste non pas à atténuer les risques, mais plutôt à permettre aux agriculteurs d’assumer plus de risques en toute sécurité. Il semblerait que la seule élimination des subventions ne soit pas une mesure efficace et l'impact final sur les prix des produits alimentaires est préoccupant. Des incitations fondées sur les prix devraient pour le moins être soutenues par des investissements importants en capital humain (éducation et de vulgarisation) et par des infrastructures pour l’eau pour ainsi donner aux agriculteurs les moyens d'expérimenter une baisse dans l’utilisation d'engrais.

Il s'agit d'un débat en évolution, sans réponses claires. D'autres pays n'ayant pas le privilège de compter avec une surabondance d'engrais voudront sûrement le surveiller de près. Quant à la Chine, elle continuera à nous fournir des leçons nuancées sur le sujet épineux des subventions aux engrais et l’insaisissable scénario ‘gagnant-gagnant-gagnant’ qui favoriserait á la fois l'atténuation, l'adaptation et la sécurité alimentaire.

 

 


Ce blog fait partie de la série  AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.