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Le Mali a besoin d’un espace de dialogue durable pour qu’experts et décideurs impliqués dans la lutte contre les effets du changement climatique s’accordent sur une vision partagée des priorités de recherche et traduisent en décisions politiques les évidences apportées par les chercheurs.

Une note d’information résumant les principales conclusions du Document de Travail N° 84 intitulé : Comment instaurer un dialogue entre chercheurs et décideurs pour l’adaptation aux changements climatiques au Mali : Analyse des défis, contraintes et opportunités vient d’être publiée.

Cette étude réalisée dans le cadre de la plateforme nationale de dialogue science-politique sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire ou plateforme C-CASA, met l’accent sur l’importance du dialogue chercheurs-décideurs et propose des pistes d’amélioration possibles.

Un état des lieux favorable…

Selon la note d’information, la cartographie et l’analyse des missions des acteurs étatiques et des organisations de la société civile impliqués dans la gestion des changements climatiques au Mali montrent qu’il existe un tissu institutionnel satisfaisant et requis pour que chaque secteur d’activités soit accompagné vers un développement plus durable. Pas moins d’une vingtaine d’organisations ont été identifiées comme clés pour les questions d’adaptation du secteur agricole au changement climatique.

Le gouvernement du Mali a depuis longtemps pris en compte le Changement Climatique avec notamment un Programme d’Action National d’Adaptation aux changements climatiques.

Les enjeux et la vulnérabilité dépendent néanmoins des secteurs socio-économiques, des régions et des groupes de personnes.

Une gestion sectorielle des questions d’adaptation et de mitigation est donc nécessaire, comme pour le secteur agricole et la sécurité alimentaire, mais aussi une collaboration intersectorielle avec l’eau, l’énergie, la santé et les autres domaines concernés par la question.

Une mise en œuvre problématique…

Les conclusions de l’étude, relèvent des problèmes à plusieurs niveaux.

Le premier se pose au niveau du fonctionnement et des capacités des institutions.  En effet, la plupart d’entre elles manquent de ressources humaines qualifiées et en nombre suffisant pour saisir tous les enjeux, développer des réponses appropriées et pour couvrir le territoire de manière satisfaisante.

Elles ont du mal à s’approprier convenablement leurs missions du fait de la faible disponibilité de compétences, mais aussi en raison du manque de communication formalisée entre institutions pour rechercher les synergies et partager les connaissances existantes.

Le second problème est relatif à la question du financement pour la définition des priorités, ainsi que du rôle de coordination nationale souvent sous-jacente. On peut citer en exemple le faible leadership du Centre National de la Recherche Scientifique et Technologique pour l’orientation d’une politique de recherche sur le changement climatique, ce centre ayant une faible emprise sur les financements bilatéraux  des principaux instituts de recherche comme l’Institut d’Economie Rurale (IER).

Il y a enfin la difficile communication/interaction entre décideurs et chercheurs, du fait d’un langage différent. Quand les politiques veulent de la certitude, du chiffrage d’impact, les scientifiques parlent d’une variété de futurs possibles.

Le dialogue est difficile du fait que la communication scientifique n’est pas assez vulgarisée, ni capitalisée, ni diffusée. Ce qui explique que les politiques ne voient pas les scientifiques comme des partenaires indispensables.

Passer effectivement des données scientifiques à l’action politique

Le défi est de créer un espace de dialogue durable et formel où chercheurs et décideurs pourront se rencontrer régulièrement, pour faire émerger une vision partagée ainsi que des décisions politiques, concrètes, basées sur l’évidence scientifique. Il s’agira de former les décideurs pour qu’ils comprennent toutes les dimensions du changement climatique.

Les chercheurs s’attacheront à produire des résultats de recherche utiles au débat politique ; exemple : étude d’impact, coûts et bénéfices d’une solution d’adaptation.

Des institutions comme le Comité National Changements Climatiques du Mali (CNCCM) et l’Agence de l’Environnement et du Développement Durable (AEDD) pourront jouer un rôle de premier choix dans cette concertation renforcée entre chercheurs et décideurs.

Les problématiques terrain des éleveurs, pêcheurs et cultivateurs devraient également être pris en compte dans l’élaboration des programmes de recherche.

Les organisations paysannes et les organisations non gouvernementales dédiées aux questions de développement durable doivent être inclues dans cet espace de dialogue sur l’adaptation au changement climatique car elles peuvent faire remonter les préoccupations de la base.

La communication au cœur du problème

Beaucoup de politiques n’ont pas une grande connaissance des enjeux d’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques. Inversement, les chercheurs ne présentent pas des résultats de recherche facilement transformables en actions pragmatiques. La  communication scientifique n’est pas assez vulgarisée, ni capitalisée, ni diffusée. Ceci pourrait expliquer que les décideurs ne considèrent pas très souvent la présence de chercheurs comme indispensable, comme source d’information utile pour concevoir une politique, un plan de développement intégrant le changement climatique.

Les espaces formalisés de dialogue chercheurs-décideurs sont ainsi rares ou inexistants :   à titre d’exemple, depuis sa création en 2002, le Haut Conseil des Collectivités Territoriales, moteur important de la décentralisation, n’a que très rarement invité des chercheurs de l’IER.

La recherche scientifique sur le changement climatique doit être transposée dans le bon style et format pour être compréhensible par un non expert et amener une action politique concrète et immédiate. Par exemple, les chercheurs pourraient aider la Direction Nationale de l’Agriculture à (re)devenir une force de proposition et d’information sur l’impact du changement climatique, pour la réunion hebdomadaire du cabinet du Ministre de l’Agriculture. Cela pourrait être par exemple une étude d’évaluation du manque à gagner du non accès par les paysans de cultures tolérantes à la sécheresse. Cela permettrait  d’influencer la formulation d’idées de projets ou tout au moins la mise en œuvre de projets innovants ainsi que la mise à l’échelle des résultats probants.

Cet effort de vulgarisation, de communication des enjeux et solutions vers le plus grand nombre est essentiel pour que les questions du changement climatique soient sérieusement prises en compte dans le débat politique. La plateforme C-CASA, le réseau des journalistes  sur les changements climatiques doivent aider en ce sens. C’est primordial pour le Mali, qui est un des pays les plus vulnérables vis-à-vis du changement climatique.

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Sékou Touré est chargé de communication au Programme CCAFS Afrique de l'Ouest

Robert Zougmoré est le chef du Programme CCAFS Afrique de l'Ouest.