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Une avancée majeure pour l'agriculture au cours des pourparlers de l'ONU sur le climat- Koronovia Joint Work on Agriculture

Photo: G. Smith (CIAT

Une décision importante pour l'agriculture à la COP23 trace la voie vers une action audacieuse et transformatrice pour rendre les moyens de subsistance et l'approvisionnement alimentaire des agriculteurs plus résilients, tout en atténuant le changement climatique.

La 23e Conférence des Parties (COP 23) de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) s’est clôturée la semaine dernière à Bonn, en Allemagne. Cette COP23 marque une étape importante dans les négociations sur l'agriculture. A titre de rappel, la COP 17 a été marquée par l’introduction de l'agriculture sur la table des négociations, en demandant à l'organe technique de la CCNUCC (Organe subsidiaire de conseil scientifique et technologique - SBSTA) d'examiner les questions relatives à l'agriculture. Depuis lors, la SBSTA a organisé des ateliers et des réunions ayant pour but de discuter du sujet. Le programme de recherche du CGIAR sur le Changement Climatique l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire (CCAFS) a, quant à elle, activement participé au processus en faisant des soumissions au SBSTA et en appuyant des réunions dans des pays d'Afrique, d'Asie du Sud-Est et d'Amérique Latine. Le programme a aussi soutenu une réunion des négociateurs au niveau mondial en 2016. Ces occasions ont aussi été des cadres d’apprentissage idéaux pour le CCAFS au vu de leur importance au yeux des parties prenantes. Les négociations ont été délicates en raison des différences entre pays mais à présent, la COP23 a permis de sortir de l'impasse et de prendre une décision pour les prochaines étapes pour l'agriculture dans le cadre de la CCNUCC : Koronovia Joint Work on Agriculture est un plateforme d'actions communes pour l'agriculture.

Que signifie cette décision, et quelles seront les prochaines étapes pour les parties prenantes?

De la science à la mise en œuvre

La COP a demandé à la SBSTA et à l’organe d’implémentation de UNFCCC d’aborder conjointement les problèmes liés à l’agriculture à travers Koronovia Joint Work on Agriculture. Ceci est une étape importante atteinte puisque jusqu’alors, les négociations étaient chapeautées par l’organe technique de l’UNFCCC (SBSTA). Elle permettra de mettre davantage l'accent sur la mise en œuvre d'actions climatiques dans le secteur, par opposition aux négociations axées uniquement sur des aspects scientifiques et techniques. Cette décision permettra également d’élargir la portée des recommandations que les pays peuvent faire à la COP. Cependant, les modalités de cette collaboration proposée restent similaires à celles du processus entrepris par le SBSTA, à savoir la convocation d'ateliers et de réunions d'experts.

Sécuriser les contributions des pays et des parties prenantes

Cette décision de la COP permet aux pays et aux acteurs de partager leurs points de vue sur les éléments à inclure dans les travaux de la prochaine session des organes subsidiaires qui se tiendra d'avril à mai 2018. Elle offre l’opportunité aux pays et aux organisations observatrices de donner leur avis sur des problèmes et de surtout "commencer par mais ne se limiter pas à ":

  1. Les modalités de mise en œuvre des résultats des ateliers organisés au cours des années précédentes.
  2. Les méthodes et approches pour évaluer l'adaptation, les avantages de l'adaptation et de la résilience.
  3. L’amélioration du carbone du sol, de la santé et de la fertilité du sol des pâturages et des terres cultivées de même que celui des systèmes intégrés, y compris la gestion de l'eau.
  4. L’amélioration de l'utilisation des nutriments et de la gestion de la matière organique pour des systèmes agricoles durables et résilients.
  5. L’amélioration des systèmes de gestion du bétail.
  6. Des dimensions socioéconomiques et de sécurité alimentaire du changement climatique dans l'agriculture.

Bien que cette liste ne tienne pas compte de plusieurs autres domaines clés pour l'action climatique auprès de l'agriculture, tels que l'agroforesterie, l'aquaculture, les variétés tolérantes au stress, les services d'information climatique et l'assurance agricole fondée sur un indice météorologique, l’expression «commencer par mais ne se limiter pas à» indique déjà un bon début pour de prochains sujets de priorité.

Priorités pour la communauté du développement agricole

Koronovia Joint Work on Agriculture offre une opportunité à la communauté du développement agricole de coordonner et de consolider l'expérience et l'information actuelle afin de venir en appui à chacun des domaines d'intervention.

Méthodes et approches pour évaluer l'adaptation, les avantages de l'adaptation et la résilience:

Mesurer et suivre les résultats des actions climatiques sur l'agriculture est un défi, mais il existe de nombreux exemples éloquents à ce sujet. CCAFS a élaboré un cadre d'indicateurs de préparation, de processus et de progrès à différentes échelles, en faisant le point des indicateurs utilisés par les principales agences et organisations, notamment DFID, la Banque mondiale, CCAFS, l'USAID, le FIDA, la GIZ et la FAO sur le sujet. Il est possible de s'appuyer sur ces travaux dans le cadre des processus de la CCNUCC, en particulier pour construire des synergies avec le « bilan global » (Global Stocktake en anglais) sur les progrès en matière d’adaptation, et aussi en soutenant l'alignement des efforts du secteur privé axés sur la durabilité et le renforcement de la résilience. L'évaluation et le suivi exigeront un meilleur partage des données entre ministères, l'obtention de nouvelles données statistiques et de suffisamment de détails pour enregistrer les avantages de l'adaptation. Les indicateurs peuvent nécessiter des mises à jour périodiques pour refléter les changements dans les systèmes de production et de productivité.

Amélioration du carbone du sol, de la santé et de la fertilité du sol des pâturages et des terres cultivées ainsi que celle des systèmes intégrés, y compris la gestion de l'eau:

Des sols sains peuvent aider les communautés rurales à devenir résilientes au changement climatique. Des pratiques telles que les cordons pierreux, le compostage, la culture intercalaire avec des légumineuses peuvent aider à améliorer la santé et la fertilité du sol tout en y séquestrant le carbone. L'initiative 4 pour 1000 lancée par la France à la COP21 est une initiative clé servant à promouvoir toute action visant à améliorer la santé et la fertilité des sols et générer des avantages d'atténuation.

Utilisation améliorée des nutriments et gestion de la matière organique pour des systèmes agricoles durables et résilients :

 En agriculture, l'utilisation inefficace des apports en azote par les plantes contribue aux émissions de Gaz à Effets de Serre. La matière organique provenant du bétail peut aussi être une source d'émissions s'il n'est pas géré de façon appropriée. Cependant, l'utilisation efficace des éléments nutritifs des plantes et la bonne gestion de la matière organique peuvent transformer ce défi en avantage tout en réduisant les coûts La réutilisation des déchets dans le but de produire de l'énergie ou des nutriments pour les cultures peut s’avérer bénéfique.

 La Gestion Intégrée des Eléments Nutritifs et la Gestion Intégrée de la matière organique sont des pratiques intégrées à la gestion intégrée des cultures qui peuvent être améliorées pour une meilleure utilisation des nutriments et du fumier.

Amélioration des systèmes de gestion du bétail:

La gestion améliorée des plantes fourragères, l’amélioration de la santé animale sont des interventions qui peuvent améliorer la résilience des systèmes d'élevage des petits exploitants, tout en aidant les pays à passer à des voies de développement d’émissions sobres en carbone. L'amélioration de la gestion des systèmes laitiers est un domaine avantageux pour l’agriculture dans le cadre du changement climatique. L'Alliance mondiale de recherche sur les gaz à effet de serre provenant de l’Agriculture travaille sur l'amélioration de la gestion du bétail et de la matière organique qui permet de réduire les émissions.

Dimensions socioéconomiques et de la sécurité alimentaire:

L'action climatique en agriculture ne concerne pas que les interventions techniques, mais également la prise en compte de structures sociales et institutionnelles accroissant la résilience des petits exploitants et contribue à la sécurité alimentaire. La capacité des femmes et des jeunes à s'adapter à la variabilité du climat, par exemple, est confrontée à un manque d'accès aux financements, au difficile accès à la propriété foncière, et la participation limitée des ménages et communautés aux prises de décision. Dans le contexte d'une migration urbaine accrue, ces disparités entre le genre/ jeunes revêtent une importance croissante. Au niveau des villages, des approches telles que les Villages Climato-Intelligents (CSVs) sont prometteuses et sont actuellement mises à l’échelle en Inde et au Népal

De la prise de décisions à des actions décisives: Transformer l'agriculture face aux changements climatiques:

La plateforme Koronovia Joint Work on Agriculture soumettra son rapport lors de la COP26 (novembre 2020). Compte tenu des défis du changement climatique qui sont à la fois liés à l'adaptation et à l'atténuation - auxquels le secteur agricole est confronté, des actions audacieuses sont nécessaires au cours de la prochaine décennie. Nous avons donc besoin d'actions urgentes et transformatrices, menées à la fois par les pays, les agriculteurs, les chercheurs, les investisseurs et le secteur privé. Les actions sur le terrain peuvent éclairer les discussions qui se tiendront. Pour que cette transformation se produise, la question de l’agriculture doit être considérée par les politiques, les services et les institutions. Le partenariat public-privé sera la pierre angulaire de cette transformation, ainsi que les efforts visant à augmenter le financement climatique au bénéfice du secteur, à transformer la recherche agricole pour le développement et au renforcement des capacités, notamment par des mécanismes de coopération Sud-Sud. 

Dhanush Dinesh est le responsable de l'engagement politique mondial du CCAFS. Bruce Campbell est le Directeur du CCAFS. Lini Wollenberg est responsable de l'axe thématique (flagship) Développement des Emissions Sobre en Carbone du CCAFS. Osana Bonilla-Findji est la responsable scientifique de l'axe thématique Technologies et Pratiques de lutte contre le changement climatique du CCAFS. Dawit Solomon est le coordinateur régional du CCAFS en l'Afrique de l'Est du CCAFS. Leo Sebastian est le coordinateur régional du CCAFS en Asie du Sud-Est. Sophia Huyer est la responsable de l'axe thématique consacré au Genre et à l'Inclusion Sociale. 

Ce blog a été traduit par Dansira Dembélé, assistante de communication à CCAFS Afrique de l'Ouest basé à ICRISAT, Mali