Pourquoi faut-il inclure le changement climatique dans la prise de décision politique au Sénégal?
Le rôle des décideurs dans l’anticipation, la prise de décision en vue de juguler les effets de l’insécurité alimentaire est important dans un contexte où les changements climatiques peuvent dangereusement compromettre les projections.
Conformément à sa feuille de route 2013 et dans le cadre de son partenariat avec le
programme CCAFS, la Plateforme Nationale Science-Politique du Sénégal a décidé de conduire une étude en vue d’identifier les acteurs potentiels qui s’activent dans le domaine du changement climatique en rapport avec le secteur de l’agriculture et de la sécurité alimentaire ainsi que les expériences réussies ou entreprises.
Cette étude est désormais disponible sous l’intitulé « Vers un dialogue Science-Politique pour l’adaptation de l’agriculture au changement climatique au Sénégal : Etat des lieux des acteurs institutionnels et politiques».
Cette étude a soulevé plusieurs questions dont une cruciale: pourquoi inclure le changement climatique dans la prise de décision politique?
Le phénomène du changement climatique engendre de graves conséquences dont les risques majeurs sont réels pour la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable, la santé publique et les moyens d’existence des populations rurales. En même temps, des menaces pèsent sur les investissements, les politiques et les actions de développement.
Impacts sur l’agriculture au Sénégal
La vulnérabilité de l’agriculture aux changements climatiques est surtout liée à sa forte dépendance vis-à-vis d’une pluviométrie qui se raréfie au cours du temps et dont la variabilité interannuelle est difficilement prévisible.
D’une manière générale, la résultante est une baisse des rendements et de la production. Les revenus des agriculteurs continueront à baisser, les exposant ainsi à une pauvreté de plus en plus aiguë. Par ailleurs, les changements climatiques peuvent avoir pour effet l’augmentation de la fréquence des événements extrêmes. En effet, il peut survenir des périodes de sécheresses prolongées et les inondations seront beaucoup plus fréquentes.
Ces événements extrêmes auront pour conséquence d’endommager les cultures soit par un manque d’eau prolongé, soit par des inondations destructrices sur les plantes et les récoltes. Une sécheresse prolongée peut avoir un impact sur les stocks de carbone du sol, car elle favorise une plus grande minéralisation du carbone organique et agit par conséquent sur la fertilité du sol.
Impact sur les ressources animales au Sénégal
Une augmentation des températures favorise des conditions plus sèches qui affecteront les activités pastorales à travers la diminution de la biomasse et de l’eau disponibles pour les troupeaux avec des conséquences sur la mortalité.
La désertification représente une grande menace pour la gestion durable des ressources dans les régions arides, semi-arides, et subhumides sèches de l’Afrique et met en péril la sécurité alimentaire et les approvisionnements en eau.
Impact sur les ressources en eau au Sénégal
Les changements climatiques, à travers l’augmentation des températures et la diminution de la quantité des pluies, devraient accentuer les pénuries d’eau. Au Sénégal, on note une diminution des pluies depuis les années 68 avec des déficits pluviométriques variant de 20 à 40 % (Rapport eau, 2008). Ces ressources connaissent une répartition spatiale très hétérogène.
Devant une ressource de plus en plus rare et au tour de laquelle toutes les activités économiques sont structurées, il est urgent de réfléchir et de faire des recherches avancées sur un cadre d’optimisation qui permet de la rendre plus accessible avec une gestion concertée qui empêcherait son gaspillage.
De même, les excès d’eau dus au changement climatique et les inondations qui s’en suivent ont des conséquences tout aussi néfastes sur les plantes, les cultures en particulier.
Impact sur les zones côtières au Sénégal
Plusieurs pays de la sous-région ouest-africaine ayant des zones côtières ont déjà signalé les effets néfastes que risquaient d’avoir l’intrusion d’eau salée et les ondes de tempête sur les infrastructures et les écosystèmes côtiers sous l’effet de l’élévation du niveau de la mer. La perte de terres due à l’élévation de 0,5 à 1 m du niveau de la mer se situerait surtout au niveau des zones les plus utiles, des terres agricoles ou des zones les plus peuplées. A cela s’ajoute le fait que dans certains cas, l’élévation du niveau de la mer se solderait, à la longue, par l’inondation de rizières, de terres et d’infrastructures. Cette situation entraînerait le déplacement de la population côtière, la submersion de petits cours d’eau et de canaux d’irrigation, la destruction de mangroves avec des effets négatifs sur l’ostréiculture.
Impact sur la pêche et l’aquaculture au Sénégal
Les eaux des côtes sénégalaises ont la réputation de figurer parmi les eaux les plus poissonneuses du monde.
Cependant, les changements climatiques contribuent à la transformation à long terme du climat à l’échelle locale, nationale et régionale. Cette transformation se manifeste par les modifications des paramètres climatiques comme la température, le vent et les précipitations et dont les effets sont les variations de fréquence et de l’intensité des phénomènes climatiques extrêmes (sécheresse, inondation, vague de chaleur, élévation du niveau de la mer).
L’élévation du niveau de la mer dont la fonte des glaces est responsable à hauteur de 30 % et l’augmentation de la température de surface de la mer à 70°C entraînera la modification de la répartition des ressources halieutiques ainsi que la dégradation de la biodiversité marine et côtière. Cela pourrait entraîner des impacts négatifs sur la sécurité alimentaire car les produits halieutiques constituent une part importante de protéines animales nécessaires (75 %) pour l’alimentation et la nutrition des populations.
Également, les stress environnementaux induits par les changements climatiques, ajoutés à la surexploitation des ressources vont accentuer la pression sur la pêche et entraîneront la raréfaction des ressources halieutiques avec comme conséquence l’émergence des conflits liés à l’accès et au contrôle de ces ressources halieutiques.
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Sékou Touré est chargé de communication au programme CCAFS Afrique de l’Ouest
Robert Zougmoré est le chef du programme CCAFS Afrique de l’Ouest
Bounama Dieye est à la Direction de l’Agriculture, Ministère de l’Agriculture et l’Équipement Rural, Dakar Sénégal