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Quand les bonnes pratiques agroécologiques au Sahel servent de cas d’école

Une vue des étudiants ayant pris part à l'école d'été en agroécologie de l'Université Laval. Photo : Université Laval

L’école d’été interdisciplinaire en agroécologie de l’Université Laval du Canada s’est enrichie de l’expérience agroécologique sahélienne lors de sa dernière édition tenue du 30 avril au 06 mai 2017. 

A l’échelle mondiale, les défis de la sécurité alimentaire sont énormes dans un contexte de changement climatique. Les risques de famine sont permanents (d’ici à 2050 les besoins alimentaires augmenteront de 60 à 70%). Ces risques de famine sont encore plus accrus dans les milieux très vulnérables comme le Sahel. De plus, les modèles agricoles et alimentaires pèsent lourd sur les équilibres écologiques de la planète et génèrent de profondes injustices sociales. D’où la nécessité de promouvoir des systèmes de production agricoles durables et convenables aux contextes de chaque zone agroécologique. La proposition agroécologique invite à penser et à agir en faveur de systèmes alimentaires durables et résilients.

C’est dans l’optique de contribuer à un tel but que l’université Laval du Canada a initié l’école d’été interdisciplinaire en agroécologie. Ce rendez-vous universitaire annuel offerte par la Chaire en développement international de la Faculté des Sciences de l’Agriculture et de l’Alimentation, propose une réflexion interdisciplinaire sur ce nouveau domaine de recherche et d'action qui vise à saisir les transitions possibles vers des pratiques agricoles et des systèmes alimentaires durables. C’est une formation qui s’adresse principalement aux étudiants et étudiantes des cycles supérieurs - toutes disciplines confondues - mais également accessible aux différents acteurs et actrices des systèmes alimentaires du Nord comme du Sud. Cette vision est en droite ligne de l’objectif poursuivi par le Programme de Recherche du CGIAR sur le Changement Climatique, l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire (CCAFS), qui a développé de nombreuses technologies et pratiques novatrices pour faire face de manière durable aux risques climatiques et alimentaires. Au Sahel, les principaux utilisateurs de ces options sont les paysans et paysannes détenteurs de petites exploitations familiales.

Le Sahel fait partie des zones à forte attention à cause de sa situation spécifique du fait de son positionnement géographique (bande de terre encastrée entre le désert du Sahara et la bande soudano-sahélienne) et de la forte variabilité climatique qui y prévaut.  

Au vu de ces réalités sahéliennes assez uniques, l’école d’été de l’Université Laval a souhaité s’imprégner des expériences d’approches et de systèmes agroécologiques pertinentes pour le Sahel. 

Docteur Robert Zougmoré, Chef de Programme  Afrique du CCAFS, dans sa contribution à la session sur les pratiques en transition,  a tout d’abord dépeint à la soixantaine de participants, le cas sahélien caractérisé par des défis majeurs tels que la variabilité climatique (inter et intra-saisonnière), des sols pauvres en carbone, phosphore et azote qui crée une situation d’épuisement des sols, une insuffisance de sols fertiles, l’ensablement et l’épuisement des bassins hydrographiques entre autres. Selon lui, les producteurs sahéliens sont donc confrontés aux défis agro-climatiques, agro-pédologiques, économiques qui s’imbriquent les uns aux autres, formant des situations particulières qui varient dans l’espace et évoluent dans le temps.

Et pourtant, de bonnes pratiques agroécologiques existent et peuvent améliorer la résilience des écosystèmes et des êtres vivants de ce milieu difficile !

Dr Zougmoré a en effet expliqué que malgré les difficultés qui sévissent dans la zone sahélienne, il est possible de reverser la tendance dans l’optique de rendre plus résilientes les communautés vulnérables.

L’agroécologie s’impose progressivement comme une réponse pertinente pour:

 augmenter la productivité agricole des petites exploitations familiales et favoriser la sécurité alimentaire  et nutritionnelle, tout en préservant les ressources naturelles, et en améliorant la résilience aux aléas climatiques

Il s’agit d’introduire et de mettre à l’échelle des pratiques telles que celles améliorant la disponibilité en eau et en nutriments du sol. On peut citer entre autre, les cordons pierreux aménagés sur courbes de niveau, les bandes enherbées, les systèmes de zaï et de demi-lunes, les techniques de protection et d’amélioration de la fertilité des terres érodés, la régénération naturelle assistée des arbres, les paillis de surface du sol, le compostage des résidus de culture ou de la biomasse disponible, l’utilisation de plantes de couverture à base de légumineuses fixatrices d’azote. C’est également le cas de systèmes de production intégrés arbres-cultures-animaux tels que le parcage du bétail dans les champs, les systèmes intégrés agro-pastoraux de production (ex : à base de bio-digesteur), les systèmes de transhumance, les fermes écologiques des zones sèches, les systèmes de bocage sahélien, les systèmes de jardin potager africain, les parcs agro-forestiers, etc.)

On voit bien que toutes ces technologies et pratiques constituent à des degrés divers, des options d’agriculture climato-intelligentes pour le Sahel, tel que l’ont démontré certaines d'entre elles. 

Trouvez ici de la documentation sur l'agroécologie et l'agriculture durable

En effet, l’Agriculture Intelligente face au climat est une approche qui, mise en œuvre, permet de définir des mesures nécessaires pour transformer et réorienter les systèmes agricoles dans le but de soutenir durablement le développement de l'agriculture et d'assurer la sécurité alimentaire dans un contexte de changement climatique. L’agriculture intelligente face au climat vise à accomplir trois objectifs principaux : l’augmentation durable de la productivité et des revenus agricoles (sécurité alimentaire); l’adaptation et le renforcement de la résilience face aux impacts des changements climatiques (adaptation); et la réduction et/ou la suppression des émissions de gaz à effet de serre (l’atténuation), le cas échéant (définition FAO).

Lorsque bien appliquées par les paysans, ces pratiques agroécologiques peuvent transformer le Sahel et assurer la sécurité alimentaire des personnes vulnérables dans ce contexte de changement et variabilité climatique"  Dr Zougmoré.

Au Mali, la sécurité alimentaire passe aussi par une meilleure offre de formation agricole

C’est également dans ses efforts en vue de contribuer à résoudre les problèmes d’insécurité alimentaire de façon durable et pour que le Mali atteigne son objectif de devenir une puissance agricole que l’Université Laval du Canada à travers sa Faculté des Sciences de l’Agriculture et de l’Alimentation a  initié le projet Formation agricole pour la sécurité alimentaire au Mali (FASAM). Ce projet vise à améliorer l'offre de formation agricole et d’emploi pour les jeunes à travers la formation des étudiants de six structures de formation agricole de niveau supérieur, technique et professionnel qui offriront des programmes de formation revus et améliorés, en lien avec les principaux défis de l'agriculture au Mali.

Ce projet qui est à sa 3e année a organisé en janvier dernier un forum sur les enjeux de la formation agricole au Mali. Sur invitation des gestionnaires du FASAM, Dr Zougmoré a fait une présentation liminaire qui a  campé le décor sur les grands défis mondiaux et régionaux du secteur agricole avec mention spéciale sur le Sahel Ouest-africain.

 

Forum sur les enjeux de la formation agricole au Mali. Photo: Université Laval

Le Chef de Programme Afrique de CCAFS a entretenu les participants sur les défis de la sécurité alimentaire, de l’adaptation au changement climatique et de l’environnement avant de brosser des pistes permettant de relever ces défis. Ces solutions passent par la mise en œuvre de l’approche d’AIC, en partant de l’utilisation de l’information climatique jusqu’au  renforcement des institutions et des politiques agricoles tout en misant sur  le genre et l’inclusion sociale.

Lectures complémentaires sur  le travail de CCAFS Afrique de l’Ouest dans le domaine de l’agroécologie :

Dansira Dembélé est assistante de communication à CCAFS Afrique de l'Ouest 

Robert Zougmoré est le coordinateur du programme CCAFS en Afrique