Le TOP-SECAC, un outil simple pour analyser la vulnérabilité et faire le suivi-évaluation
Le programme Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire (CCAFS Afrique de l’Ouest), l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN PACO), et les SNRA de 5 pays de l’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger et Sénégal), mettent en synergie depuis 2011 leurs compétences respectives pour accompagner les communautés rurales, les décideurs politiques et leurs institutions respectives à surmonter les menaces liées aux changements climatiques.
Cela se traduit par le développement et le renforcement de leurs capacités. Dans le domaine du suivi-évaluation des projets/programmes d’adaptation au changement climatique. Le but ultime étant de leur permettre d’atteindre la sécurité alimentaire et d’améliorer les conditions de vies des populations.
Au Burkina Faso, le site du projet est un bloc de 30 km sur 30 km situé dans la province du Yatenga au Nord. Ce bloc est constitué de 5 communes rurales et une cinquantaine de villages dont celui de Tougou considéré comme l’épicentre.
Un partenariat riche et diversifié pour expérimenter une approche innovante de planification et de suivi-évaluation des capacités d’adaptation au changement climatique
La promotion des bonnes pratiques techniques et sociales visant la sécurité alimentaire et la gestion durable de l’environnement dans un contexte de changement climatique a besoin d’acteurs qui soient capables d’analyser la vulnérabilité et les capacités d’adaptation des communautés afin de mieux les accompagner. Le partenariat dont l’Union Internationale Pour la Conservation de la Nature (UIICN) assure le leadership et la facilitation vise ces objectifs à travers un processus d’apprentissage participatif.
Ce processus qui se conduit en support au projet Participatory-Action-Research of Climate Change Agriculture and Food Security (PAR-CCAFS) mis en œuvre par l’Institut de l'Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), réunit divers acteurs de développement rural tels que la recherche, les ONG locales et nationales de développement, les services techniques étatiques, l’administration locale ainsi que les communautés des sites cibles du projet.
Dans l’approche, ces différents groupes dont le programme cherche à influencer le comportement, constituent ses partenaires limitrophes. En clair, par un processus à deux échelles (village puis province), ces différents acteurs, tout en renforçant leurs connaissances et capacités dans la planification et le suivi-évaluation participatif des capacités d’adaptation, ont permis au Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire (CCAFS Afrique de l’Ouest), d’identifier, de mettre en œuvre, de suivre et d’évaluer des activités d’adaptation.
Le processus d’apprentissage utilise la TOP-SECAC, une trousse qui comprend 11 outils utilisables à différentes étapes que sont l’analyse de la vulnérabilité et des capacités d’adaptation, la planification des actions d’adaptation ainsi que leur suivi-évaluation.
Au Burkina Faso, la TOP-SECAC a été appliquée successivement au niveau village et provincial. Elle a été conduite à tous les niveaux par une équipe pluri-institutionnelle et pluridisciplinaire (socio-économie, d’agronomie, de zootechnique, de géographe, d’écologie et agroforesterie).
Dans un premier temps, la démarche a été appliquée dans le village de Tibtenga choisi comme communauté d’entrée. Cela a permis de connaitre la situation du village (principales ressources, principaux aléas et leurs impacts, ressources les plus impactées et les plus contributrices aux stratégies), d’identifier des stratégies d’adaptation spontanée ainsi que les ressources susceptibles d’y contribuer et de planifier des options d’adaptation stratégiques en partant d’une vision future définie par la communauté.
Ces données ont ensuite été étendues à la province à l’occasion d’un atelier régional de planification réunissant des acteurs plus nombreux et plus variés notamment les communautés des 4 autres villages CCAFS (Koubi-Thiou, Pabo, Ramdolla, Lemnogo Mossi). A toutes ces étapes, les participants se sont familiarisés avec des approches nouvelles d’analyse de vulnérabilité et ont intégré le fait que la complexité des phénomènes climatiques et des aléas qui les accompagnent exigeaient des planifications concertées et des réponses pertinentes résultant d’analyses rigoureuses.
En effet, sans une telle démarche, les actions d’adaptation proposées risquent au contraire d’aggraver des situations déjà presque compromises. Au total, une dizaine de chercheurs constituant l’équipe TOP-SECAC ont été initiées à cette démarche, dont ils assurent la mise en œuvre.
Voir au-delà des changements d’états : un suivi-évaluation du processus pour expliquer et documenter les incidences d’adaptation provoquées par le programme CCAFS
Les ateliers (villageois puis provincial) ont permis d’identifier des stratégies et des activités d’adaptation pour l’atteinte de la vision dégagée pour les dix années à venir. Certaines de ces activités (fournitures en semences améliorées, en plants utilitaires, formation et appui-conseil, etc.) sont mises en place dans les villages de Tibtenga, de Ramdolla et de Lemnogo Mossi par l’équipe du PAR-CCAFS.
Les différents groupes de partenaires présents à l’atelier régional se sont, par ailleurs, engagés à ajuster leurs modes d’actions pour contribuer à cette vision.
La valeur ajoutée de l’approche TOP-SECAC de planification et de suivi-évaluation consiste à renforcer les capacités de l’équipe PAR-CCAFS à mieux suivre et documenter les processus de changement induits par les activités qui sont conduites. Un plan de suivi-évaluation a été mis en place, l’objectif étant de mettre en évidence et de documenter les incidences d’adaptation ou de changement dans les comportements, les relations, les actions et les activités induites par les activités du CCAFS.
En clair, il s’est agi dans notre cas, et pour l’instant, de suivre et d’évaluer les changements non physiques qui se mettent en place du fait des interventions d’appui à l’adaptation proposées par le projet PAR-CCAFS et mises en œuvre par les communautés des 3 villages. La technique du changement le plus significatif, un des outils pour suivre ces incidences d’adaptation, a été utilisée.
Les premières sessions de collecte des incidences ont montré que le programme provoque des changements parfois plus rapidement qu’on ne le pense surtout dans l’acquisition de nouvelles connaissances et, dans une moindre mesure, dans les activités, les relations et l’accès aux ressources.
Leçons apprises et perspectives
Le processus de planification et de suivi-évaluation des activités d’adaptation du programme CCAFS dans le bloc de Tougou est à sa deuxième année. Les enseignements que l’on peut déjà tirer de l’expérience sont divers. Il a montré que la question de l’adaptation au changement climatique doit aller au-delà de l’adaptation spontanée.
Celle-ci a, en effet, besoin d’être soutenue par l’adaptation planifiée avec des actions pertinentes et cohérentes. L’adaptation au changement climatique, pour être efficace et durable, a aussi besoin d’être promue dans un cadre partenarial et inclusif où les acteurs mutualisent leurs connaissances, efforts, savoirs faires et moyens tout en acceptant de changer eux-mêmes leurs habitudes.
On peut se satisfaire déjà de noter que bien d’acteurs locaux se sont engagés à changer pour contribuer à la vision développée de commun accord avec les communautés cibles. Le suivi des incidences d’adaptation qui a déjà commencé avec les communautés le seront également avec les autres groupes de partenaires limitrophes du CCAFS que sont l’administration, les ONG, la recherche, l’UICN et les services techniques.
Issa Sawadogo, Jacques Somda et Moumini Savadogo sont de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature; Robert Zougmore est Chef de programme CCAFS pour l’Afrique de l’Ouest ; Babou André Bationo, Josias Sanou, Goama H Nakoulma, Silamana Barry, Hadja Oumou Sanou sont chercheurs à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles (INERA), Burkina Faso.