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Les chocs climatiques peuvent débloquer l'innovation locale

L'innovation locale est le meilleur voie vers l'adaptation et la résilience. Photo: © Scott Wallace / World Bank
 

par Sonja Vermeulen

Au cours de l’année 2011, les catastrophes naturelles ont causées des pertes économiques mondiales de US$ 380 milliards les plus hautes de tous les temps, dépassant largement le précédent record de US$ 220 milliards, atteint en 2005. Si les pertes les plus coûteuses ont été dues aux séismes du Japon et Nouvelle-Zélande, les catastrophes d’origine météorologiques, souvent liées à La Niña, ont été également  nombreuses et amplement répandues: une grande sécheresse en Afrique de l’Est, une surabondance des cyclones dans l'Atlantique tropical, et les pires inondations depuis des décennies dans certaines régions de la Thaïlande, le Cambodge, la Namibie, le Brésil, les Etats-Unis et l’Australie.

Avec le changement climatique, les événements météorologiques extrêmes tels que les canicules, les sécheresses, les tempêtes et les inondations devraient augmenter en fréquence et/ou intensité. Les catastrophes du passé sont une source de leçons précieuses pour la préparation future. Globalement, les catastrophes naturelles ont à la fois des impacts négatifs et positifs sur les économies nationales. Ce qui est particulièrement ambigu c’est leur impact relatif sur les ménages ruraux les plus pauvres. Certaines opinions soutiennent que les chocs climatiques frappent la capacité des agriculteurs pauvres à réinvestir dans les saisons à venir; dans ces cas des mesures de protection de risques comme l'assurance sur les récoltes ou les aides sociales peuvent aider. Selon d’autres, les chocs apportent de nouvelles opportunités pour les pauvres et les programmes de protection des risques sont un frein qui décourage leur adaptation à long terme aux changements environnementaux.

L'article de Kendra McSweeney et Oliver Coomes Les désastres liés au climat ouvrent une fenêtre d'opportunité pour les pauvres  des zones rurales dans le nord du Honduras, fournit des preuves originales et des indications en faveur de la vision des «nouvelles opportunités». En 1998, l'ouragan Mitch a détruit 80% des champs de riz et 95% des plantations de cacao á Krausirpi, au Honduras. Les champs de manioc et de banane ont également été ruinés. Les communautés locales ont connus des décès et des difficultés graves. Néanmoins, la reprise a été rapide: en quatre ans les récoltes de riz par ménage ont atteint á nouveau les niveaux précédents Mitch.

Une enquête plus approfondie révèle comment il peut y avoir des compromis directs entre la sécurité alimentaire á cours terme (cette année) et la résistance aux chocs climatiques à plus long terme. La production de cacao, promue par les agences de développement a augmenté les revenus de la communauté, mais par inadvertance l’a aussi fait plus vulnérable aux chocs climatiques, en concentrant la production sur une seule culture et une plaine inondable. Le cacao a également contribué à l'accroissement des inégalités foncières, étant donné que les ménages plus aisés ont pu se permettre l'expansion de leurs propriétés, tandis que les ménages les plus pauvres, près de la moitié d'entre eux dirigés par des femmes célibataires, ont été abandonnés.

L'ouragan Mitch a fourni de nouvelles opportunités pour ces ménages. Les mêmes qualités qui les avaient maintenu dépourvus en terres, et donc plus vulnérables aux chocs, étaient alors un avantage. Etant plus jeune et avec de plus petites familles, ils étaient en meilleur mesure d'obtenir un travail rémunéré. Lentement et cumulativement ils ont également jalonné de nouvelles revendications foncières,  triplant la taille moyenne de leurs exploitations de 3 ha à 9 ha, et créant á travers ce processus un système de propriété foncière plus innovant et égalitaire.

Bien sûr, ces expériences ne signifie pas que les catastrophes climatiques sont bonnes pour les pauvres. Mais elles soutiennent l'idée que l'innovation locale et la flexibilité, et non pas les interventions descendante (« du haut vers le bas»), sont les meilleures voies vers l'adaptation et la résilience. Pour revenir à l'exemple du Japon, les catastrophes naturelles ont été comprises depuis des siècles comme des moyens pour redistribuer la richesse des riches -qui perdent des biens- vers les pauvres qui gagnent des salaires pour les leur reconstruire; sans aucun doute le capital social constitue l'essentiel de leur capacité d'adaptation.

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Ce blog fait partie de la série AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.