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Si vous ne pouvez plus pêcher des poissons, ne blâmez pas la mer

Un petit pêcheur en Malaysie. Photo: J. Oliver (WorldFish).
 

A première vue, le changement climatique ne représente pas une grande menace pour les pêcheries mondiales. La meilleure estimation (PDF) dont nous disposons á l’heure actuelle suggère que les tendances climatiques projetées ne se traduiront que par un changement de 1% dans les captures mondiales en 2050 – avec néanmoins des différences importantes selon les espèces et les régions.

La pêche fournit 5% des protéines consommées par l'humanité et les trois-quarts des mégalopoles de la planète sont au bord de la mer. Ces chiffres ne feront qu’augmenter dans les prochaines années, alors pouvons-nous espérer que la pêche devienne le future fournisseur de la sécurité alimentaire mondiale?

Un article récent de Jake Rice et Serge Garcia, les pêches, la sécurité alimentaire, le changement climatique et la biodiversité: caractéristiques du secteur et perspectives sur les questions émergentes, affirme que la réponse à cette question se trouve aussi bien dans l'agriculture terrestres que dans la productivité aquatique. Les systèmes de culture sont très sensibles au changement climatique. Les auteurs calculent que leurs future incapacité à satisfaire nos besoins alimentaires fera augmenter d'environ 50% la demande envers la pêche en 2050, supposant des tendances plausibles en termes démographiques et d’émissions de gaz à effet de serre.

Les pressions anthropiques sur la pêche – telles la surpêche, la pollution, la destruction des mangroves qui fournissent des aires de reproduction pour de nombreuses espèces - sont déjà sévères. Des effondrements absolus comprennent le cas de l'anchois du Pérou dans les années 1970 et celui de la morue du Canada dans les années 1990. Une cause sous-jacente et qui persiste c’est le manque de coordination, en dépit des efforts des deux côtés, entre les arènes politiques de la biodiversité d’une part et de la gestion des pêches de l’autre. Rice et Garcia soulignent d’ailleurs plusieurs des incohérences existantes entre les accords mondiaux sur la conservation marine et les pratiques qui permettraient aux populations souffrant d’insécurité alimentaire de se nourrir aux mieux de la mer. Par exemple, les zones les plus productives sont naturellement les plus demandées par la pêche, or la productivité est également l'un des sept critères utilisés pour l’identification des zones de plus grande valeur de conservation en vertu de la Convention sur la diversité biologique.

Quelles sont alors les perspectives d'une plus grande cohérence politique et d’une durabilité globale de la pêche dans le contexte de la menace supplémentaire, indirecte mais importante, du changement climatique?

Rice et Garcia énumèrent les stratégies les plus prometteuses, en soulignant que chaque stratégie centrée sur la biodiversité entraine un certain coût pour la sécurité alimentaire, et vice versa. L'aquaculture, qu'elle soit menée dans les terres ou en mer («la mariculture») est en train de croitre rapidement et jouera certainement un rôle majeur dans la sécurité alimentaire future. Une expansion de l'aquaculture basée sur l’utilisation de techniques efficaces de gestion des intrants et d’espèces locales herbivores (réduisant le besoin de farine de poisson) pourrait répondre à la fois aux objectifs en de sécurité alimentaire et de biodiversité. Les auteurs n’adressent  pas les impacts du changement climatique (PDF) sur les différentes stratégies proposées; or malheureusement, l'aquaculture continentale sera probablement sensible á la gravité des événements extrêmes de plus en plus fréquents tels que les sécheresses et les inondations.

Maintenant que tout au moins un certain changement climatique est en cours et inévitable, les lignes de base pour la conservation se déplacent; au dire des auteurs « passant d’être derrière nous á être en face de nous". A présent, et alors que la société se bat pour des prix des denrées alimentaires qui reflètent les coûts réels vis-à-vis de la biodiversité et l'environnement (tout en restant abordables pour les communautés urbaines et rurales les plus démunies), les lignes de base pour la sécurité alimentaire mondiale doivent certainement aussi changer.

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Ce blog fait partie de la série AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.