La femme idéale est-elle résiliente au changement climatique?
Apprendre le rôle des femmes et des hommes à travers l'échange Sud-Sud.
Qui est la femme idéale ? L’homme idéal existe-t-il réellement ? Ces questions ont poursuivi les participants du récent échange Sud-Sud entre projets cofinancés par le Programme d'Adaptation de l'Agriculture Paysanne (ASAP). L´atelier, organisé de façon conjointe par le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) et le programme sur le Changement Climatique, l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire (CCAFS) du CGIAR a réuni les participants de huit projets francophones financés par l’ASAP en Afrique (venant du Bénin, du Cap Vert, de Djibouti, de Madagascar, du Mali, de la Mauritanie, du Niger, et du Tchad).
Une journée d’atelier, facilitée par l’ONG CARE International, a été réservée pour débattre et apprendre sur les questions de genre. Cette journée a permis aux participants de se mettre en jeu, avec une alternance de sessions pratiques, d’exercices et de réflexions. Emily Janoch Directrice Adjointe pour la gestion des savoirs et l’apprentissage auprès de l’ONG CARE International a indiqué lors de la facilitation de cette journée sur le genre : « nos études démontrent que l’inclusion des femmes n’est pas seulement cruciale pour l’égalité, mais qu’il s’agit même d’un élément-clé de l’économie locale : au Bangladesh, lorsqu’une étude de CARE a permis de démontrer que les femmes étaient payées moitié moins que les hommes pour le même travail, leurs maris ont été les premiers à aller se battre pour l’égalité des salaires ! ». A travers ce type de changement de regard, fruit d’une analyse complète de la place de l’homme et de la femme dans leur communauté, il est possible d’aller vers une société plus égalitaire, au profit de tous.
C’est aussi ce qu’ont pu démontrer les exercices réalisés par les participants : lorsque les femmes et les hommes, chacun de leur côté, cherchent à établir le calendrier type de la femme ou de l’homme dans le monde rural, certains éléments ressortent de manière flagrante, et ce malgré la grande diversité d’horizons des participants. Partout, la femme rurale se lève plus tôt. Sa journée est chargée d’innombrables tâches, avec la préparation des repas, le soin des enfants, les travaux agricoles, les corvées d’eau et de bois, ou encore l’alimentation des animaux. L’homme rural lui aussi a une journée chargée, mais tous lui reconnaissent des moments de socialisation, de détente, de repos. Les études montrent qu’en moyenne, la journée des femmes compte 5 heures de plus que celle des hommes : le temps est bel et bien une autre ressource à laquelle elles ont moins accès que les hommes.
Lors d’un second exercice assorti d’une réflexion sur les valeurs et normes adoptées par une communauté, les participants tracent le portrait de l’homme ou de la femme idéale. La diversité des contextes se retrouve effacée dans les modèles d’hommes et de femmes des zones rurales où œuvrent les projets : la femme idéale en milieu rural est discrète, disponible, respectueuse. L’homme idéal, lui, est fort, écouté et respecté. Il est responsable de sa famille. Ces modèles illustrent les limites aux changements que proposent les projets. Comment une femme dont la société attend qu’elle soit discrète peut-elle trouver la force de prendre la parole en réunion ? Comment l’homme, sur les épaules de qui repose la responsabilité de la famille, peut-il parvenir à garder la face dans un contexte de changement climatique, où les chocs externes rendent la production incertaine ? Comment changer lorsque les nouveaux comportements vont à l’encontre des valeurs unanimes et s’exposeront à la sanction et au jugement du groupe ? Ces valeurs, projetées dans le modèle de l’homme et la femme idéale, constituent un carcan pouvant rendre le changement individuel impossible. « Avec cet exercice, nous avons compris qu’il est temps de redéfinir le modèle de l’homme et de la femme idéale, et d’accompagner ce changement de regard. La femme idéale et l’homme idéal devraient être en réalité identiques : des acteurs autonomes du développement de la famille et de la communauté, reconnus comme tels ».
L’ONG CARE propose une méthodologie claire pour un réel impact sur les questions de genre. : le changement ne peut se faire sans un diagnostic en profondeur des dynamiques propres à chaque contexte, chaque communauté. En ligne avec cette approche, les équipes de projets représentés à l’atelier se sont attelées à identifier des recommandations-clés pour leurs propres projets. Beaucoup insistent sur l’importance de la continuité de la réflexion sur les questions de genre, trop souvent confinée aux missions de supervision annuelles du FIDA. Comme le remarque le coordinateur du CCAFS au Mali, Robert Zougmoré : « nous avons tous un rôle à jouer dans la prise en compte du genre, et les techniciens et les gestionnaires doivent agir comme leaders, c´est aussi par-là que le travail doit commencer ». Avec cette journée de réflexion, les participants ont tous reconnu qu’une porte s’est ouverte, et qu’ils se sentent mieux équipés pour la prise en compte du genre dans leur projet. Comme certains ont pu dire : « le chemin est long, il faut marcher ».
- Pour en savoir plus sur l'atelier d'échanges Sud-Sud entre projets ASAP lisez ce blog
Maëlle Peltier travaille pour le FIDA.