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Comment intégrer les pronostics de climat a la réalité des agriculteurs sénégalais? L’histoire de Seck et Ousmane

Ousmane Ndiaye (gauche), directeur du département de prévisions saisonnières a l’ANACIM, et Hadji Moussa Seck (droite), directeur du programme d’appui technique agricole pour la région de Kaffrine, Sénégal. Photo : A. Jarvis (CIAT)
Être en capacité de fournir à temps aux agriculteurs de bonnes prévisions climatiques saisonnières, n'est pas un défi qu'on relève seul!

Principale région agricole du Sénégal, Kaffrine a été choisie comme zone d’étude pour un nouveau projet du programme de recherche du CGIAR sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS). En partenariat avec l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie (ANACIM) et le programme d’appui au développement agricole du ministère de l’agriculture sénégalais, CCAFS cherche à  faciliter l’accès des petits producteurs à des données agro-climatiques et à développer leurs capacités à comprendre et utiliser celles-ci dans le but de renforcer les processus de prise de décision sur les exploitations.

Ousmane Ndiaye and El Hadji Moussa Seck, deux experts sénégalais, représentent ce partenariat sur le terrain et sont à la fois les ouvriers et les garants du succès de cette collaboration interinstitutionnelle.

Ousmane Ndiaye est météorologue, il est le coordinateur du projet et se charge de produire les prévisions saisonnières : c’est l’homme des chiffres.  Hadji Moussa Seck, lui, est l’homme de terrain, celui qui traduit dans la pratique ; responsable du programme de développement agricole du gouvernement sénégalais, il sait comment faire pour que de données scientifiques deviennent utiles pour un agriculteur.

Ousmane a beaucoup à apprendre de Seck pour mieux comprendre la réalité des producteurs, et vice versa.

« Depuis que je travaille avec Seck, dit Ousmane, j’en apprends tous les jours plus sur la façon dont les agriculteurs travaillent et prennent des décisions. J’ai appris à être plus proche d’eux, que ce soit par le langage employé ou les méthodes de travail »

Seck explique qu’il bénéficiait déjà d’une bonne réputation dans la région de Kaffrine, ce qui a beaucoup faciliter l’acceptation du projet par la communauté.


Dans la région de Kaffrine, un projet pilote a permis de rendre les prévisions climatiques saisonnières  accessibles et compréhensibles par les agriculteurs.

En tant que coordinateur de l’appui technique agricole pour la région de Kaffrine, Seck est chargé de la distribution des engrais et des semences subventionnés, et gère la plupart des problèmes liés à l’agriculture dans la zone. Il connait mieux que personne l’histoire agricole de la région.

« Depuis que j’ai commencé a travaillé avec Ousmane, dit Seck, mon quotidien a beaucoup changé. C’est comme un nouveau départ pour mes activités. Avant c’était comme si mon service n’existait pas. Aujourd’hui, grâce à ces nouvelles informations sur le climat, les gens nous cherchent ! S’ils ont un problème, c’est à nous qu’ils pensent en premier. Ça n’était jamais arrivé avant » dit-il fièrement.

Dans une  interview croisée des deux personnages clés de ce partenariat réussi et fructueux, les membres de CCAFS cherchent à identifier les facteurs clés de réussite du projet.

Qu’a permis de réaliser le partenariat institutionnel entre l’ANACIM et le service de développement agricole ?

« Avec ce programme, nous avons pu développer un approche intégrée et multidisciplinaire sur les thématique du climat, de l’agriculture et de la sécurité alimentaire » disent-ils, « Nous avons apporté des solutions concrètes aux besoins des agriculteurs en terme de données climatiques. Avec des méthodes participatives, nous avons réussi à nous rapprocher de leur façon de comprendre le climat, et à faire évoluer leurs façons de prendre des décisions. »

Seck et Ousmane continuent :

« Grace à ce travail, aujourd’hui les agriculteurs reçoivent chaque jour des informations sur le climat qui leur permettent de planifier leurs activités. Ils peuvent savoir quand risque de démarrer la saison des pluies, quelles sont les précipitations attendues durant la saison des pluies et quelle pourrait être la date adéquate pour la période des récoltes -  ils peuvent même avoir accès a des informations en temps réel sur la saison en cours. »

Seck et Ousmane mettent en avant le fait que les agriculteurs se sont vraiment impliqués pour apprendre de nouvelles façons de faire. Le résultat est qu’aujourd’hui, ils prennent leurs décisions d’une toute autre façon, se basant notamment sur les prévisions climatiques.

Quel ont été les principaux ingrédients de la réussite du projet ?

Ousmane : « Le fait d’introduire le projet par le biais des réseaux existants au niveau local nous a beaucoup aidé. En effet, au fil des ans ces réseaux ont acquis une légitimité auprès des agriculteurs qui leur accordent donc leur confiance. C’est tout ce travail d’économisé pour le projet ! Un autre point clé a été l’effort de l’ANACIM pour rendre accessible à tous l’information climatique, depuis les membres de l’agence eux même jusqu’aux conseillers agricoles voire même aux agriculteurs.» Et d’ajouter : « Depuis le début, il était naturel de travailler avec Seck »

Seck explique comment fonctionne le partenariat sur le plan opérationnel :

« Ousmane m’envoie les données climatiques et je me charge  de diffuser l’information à grande échelle. J’utilise comme relais  la radio locale, les leaders de communautés, quelques représentants religieux et des représentants d’association de producteurs. Je peux également diffuser directement auprès des agriculteurs. »

Les bons résultats obtenus dans le cadre du projet ont valu à Seck le surnom de « Monsieur Météo ». Jour après jour, il reçoit d’innombrables appels d’agriculteurs qui veulent se renseigner sur le climat avant de sortir travailler leurs terres.

Selon Ousmane et Seck, la coopération a permis d’atteindre plus vite les objectifs du projet et de générer des résultats plus complets. Ousmane insiste sur le fait qu’une personne isolée n’aurait jamais pu avoir autant d’impact et garantir que l’information climatique arrive effectivement jusqu’à l’agriculteur.

« Pour nous, dit-il, il est difficile de savoir quelles informations sont réellement utiles pour les producteurs et comment nous devons les leur amener pour qu’ils puissent effectivement les comprendre et en tirer profit » Ils ont donc besoin de quelqu’un comme Seck pour apprendre à s’ajuster.

« Seck et moi sommes complémentaires », conclut Ousmane.

« J’ai la connaissance du climat, il connait le terrain et ses subtilités. Notre travail consiste à combiner les deux pour que la variabilité climatique ne soit plus un mystère pour les agriculteurs »

Seck et Ousmane continuent de rapprocher scientifiques et agriculteurs. Leur travail est un exemple réussit de partenariat dont nous avons tous beaucoup à apprendre.

Ce message a été publié à l'origine en espagnol sur le blog DAPA.
 
Pour en savoir plus, voir le blog du Andy Jarvis «Génération d'une conscience climatique à travers l'apprentissage sud-sud" et un photoreportage de l'échange "Quand la Colombie rencontre le Sénégal."
 
Fanny Howland est chercheur invité au Centre international d'agriculture tropicale (CIAT), à Cali, en Colombie, travail sur le renforcement des capacités et gestion des connaissances.