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D’habitude, lors des visites d’échanges entre agriculteurs dans le cadre de l'approche "fermes du futur", les visiteurs sont sensés venir s’inspirer des expériences de leurs hôtes. Dans le cas de la visite d’échange entre les paysans des villages de Demonayili et de takorodo au Ghana, on a vu le phénomène contraire se produire. 

Le changement climatique constitue une menace pour l'agriculture, la sécurité alimentaire et les moyens d'existence des petits producteurs en Afrique de l’Ouest. Pour renforcer les capacités d’adaptation des producteurs vis-à-vis de ce phénomène, le programme de recherche sur le Changement Climatique, l’Agriculture et la Sécurité Alimentaire (CCAFS) du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) a développé l’approche « fermes du futur ». Basée sur l’outil « analogue climatique », l’approche « fermes du futur » permet de connecter les producteurs d’un site donné à leur possible climat futur dans un site analogue à travers des visites d’échanges inter-paysans. Ces visites constituent une opportunité pour les producteurs d’apprendre des pratiques et des technologies d’adaptation de ceux vivant dans le site analogue en vue de les mettre en œuvre dans leur site afin d’améliorer leur capacité d’adaptation. Cette approche a été mise en œuvre en Afrique de l’Ouest dans tous les 5 pays du CCAFS–Afrique de l’Ouest : Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger et Sénégal.

C’est dans le cadre de la mise en œuvre de l’approche « fermes du futur » au Ghana que les producteurs de Demonayili ont effectué un voyage d’échange inter-paysans à Takorodo pour parfaire leurs pratiques agricoles sur l’igname.

En effet, l’igname constitue la principale culture aussi bien dans le village de Demonayili (site de référence) que dans le village de Takorodo (site analogue). Cependant les pratiques culturales appliquées à cette culture diffèrent  d’un village à l’autre.

A Demonayili, l’igname est cultivé sur des nouvelles défriches sans apport de fertilisants (ni organiques ni minéraux) avec un désherbage mécanique à la houe. Cette pratique de l’agriculture minière conduit à une baisse de la fertilité des sols et justifie le recours à de nouvelles défriches pour cultiver l’igname. A Takorodo, l’igname est souvent cultivé sur des anciennes parcelles de maïs également sans apport d’engrais mais avec un contrôle chimique des adventices et l’utilisation de la fauche pour éliminer les mauvaises herbes récalcitrantes. Le recours à des anciennes terres pour cultiver l’igname indique sans doute un début de saturation de l’espace avec de faibles possibilités de d’extension des terres agricoles par les défriches.

La non utilisation des engrais sur l’igname dans les deux villages tient à une croyance selon laquelle l’engrais aurait un effet négatif sur les aptitudes à la conservation des tubercules d’igname. Mythes ou réalités, l’équipe de CSR/SARI (Council for Scientific and Industrial Research) du Ghana est entrain de conduire des expérimentations dans le village de Demonayilli sur la fertilisation (organique et chimique) de l’igname et le stockage des tubercules d’igname en fonction des périodes de récolte pour confirmer ou démentir cela.   

Les visiteurs apprennent de leurs hôtes

Dans cette dynamique de donner et de recevoir, les visiteurs apprennent que l’igname peut bien être produite sur des anciennes parcelles notamment des parcelles de maïs. Le maïs recevant généralement de la fertilisation, l’igname bénéficie de l’arrière effet de cette fertilisation. Ce qui permet d’améliorer les rendements sans pour autant utiliser des engrais. Les visiteurs se sont engagés à pratiquer l’igname après le maïs. Cette pratique présente un double avantage en ce sens qu’elle permet d’améliorer les rendements de l’igname à cause des arrières effets de la fertilisation du maïs, mais également et surtout de réduire considérablement les défrichements agricoles. 


EXPLICATIONS LORS DE LA VISITE D'ECHANGE

photo m. ouedraogo (ccafs) 

Les visiteurs donnent des leçons de bonnes pratiques agricoles à leurs hôtes

Les visiteurs ayant constaté que les hôtes utilisent beaucoup d’herbicides pour contrôler les adventices leur ont demandé de moins utiliser ces produits chimiques car ils nuisent à l’environnement. Aussi, à la suite de l’application des herbicides, les hôtes utilisent la fauche pour éliminer les adventices récalcitrants. Les visiteurs leur ont conseillé de procéder à un sarclage à la houe à la suite du désherbage chimique pour ameublir le sol. Ceci permet d’améliorer la rétention de l’eau par le sol et de réduire l’érosion par ruissellement. Ils ont aussi conseillé d’appliquer les herbicides à temps pour avoir une meilleure efficacité et éviter ses effets sur l’igname.

Si l’approche « fermes du futur » permet aux producteurs d’apprendre à travers les échanges inter-paysans des pratiques et technologies d’adaptation des populations des sites analogues en vue d’anticiper et de les mettre en œuvre pour améliorer leur capacité d’adaptation dans le site de référence, il n’en demeure pas moins que les hôtes peuvent aussi apprendre des leçons de leurs visiteurs. 

Mathieu Ouédraogo est chercheur visiteur au CCAFS – Afrique de l’Ouest, Jean Sibiri Ouédraogo est à la tête du Département Etudes et Recherche en Agriculture, l’Environnement et Marchés à INSAH/CILSS et Alhassan Lansah Abdulaï est agro-météorologiste et travaille au CSIR/SARI.