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L’alimentation, comme point de convergence : Régimes alimentaires, utilisation des sols et émissions

Les émissions liées à l'alimentation vont augmenter dû à la combinaison de deux facteurs: la conversion des terres et une agriculture plus exigeante en d’intensité d'intrants. Photo: X. Fonseca/CIMMYT.
 

Par Sonja Vermeulen

Une vérité qui dérange concernant l’alimentation et les changements climatiques c’est que, pour pouvoir l’alimentation des populations croissantes avec des régimes changeants, les émissions totales provenant de l’agriculture doivent augmenter.

En effet, l'estimation largement citée de l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) selon laquelle nous devrions produire 70% plus d’aliments d'ici 2050, a été récemment revue à la hausse 100% + / - 11%.

Dans un article récent Les changements globaux dans les régimes alimentaires et les conséquences pour les besoins en terres pour l'alimentation,Thomas Kastner, Maria Jose Rivas Ibarrola, Wolfgang Koch et Sanderine Nonhebel présentant des ensembles de données historiques de la FAO sous un nouveau format, fournissent une description plus détaillée de la dimension et la forme que prendra cette demande alimentaire dans le future.

L’originalité de Kastner et ses co-auteurs réside dans le fait de calculer et de montrer, comment notre consommation totale de calories est répartie entre les différents types d’aliments, et de calculer ensuite la quantité de terre nécessaire pour produire chacun de ces types; aussi bien á l’échelle mondiale que pour chacune des 17 principales régions géographiques. A elles seules, les données sur la consommation fournissent un portrait fascinant de la diversité nutritionnelle mondiale. Saviez-vous, par exemple, que les Centrafricains détiennent le record mondial des mangeurs de racines, et les Européens du Sud celui des frugivores?

L’analyse brise le mythe selon lequel les régimes sont en train de devenir de plus en plus riches dans l’ensemble de tous les pays en développement, se déplaçant vers un point culminant statique en Occident. En fait, la réalité est que les régions en développement varient considérablement dans leurs trajectoires - le plus frappant est la baisse marquée de l'apport calorique moyen dans "L’Afrique centrale" au cours du dernier demi-siècle. De plus les régimes occidentaux sont en pleine mutation. La consommation nord-américaine en calories, par exemple, a augmentée de façon marquée depuis 1961 principalement en raison de la hausse dans l’utilisation des sucres et des graisses végétales plutôt que celle des produits d'origine animale, qui est quant a elle restée à un niveau constant d’environ 1000 calories par habitant.

Si on extrapole la consommation à l'utilisation des terres on obtient des informations supplementaires. Il est particulièrement intéressant de constater que, entre 1963 et 1984, l'expansion des besoins fonciers pour les cultures a été largement associée à la croissance de la population, et que dans de nombreuses régions cette expansion a été compensée par des épargnes de terres liées à l'amélioration technologique. Après 1984, par contre, une plus grande proportion de l'expansion agricole a été associée à des changements dans les régimes alimentaires, et la technologie a eu un effet tampon moins efficace.

Mais que réserve l'avenir? Les auteurs avertissent que pour nourrit neuf milliards de personnes à des niveaux de consommation comme ceux trouvés en Amérique du Nord, en Océanie et en Europe, il faudra doubler l’extension actuelle des terres arables. Ils soulignent également que l'épargne des terres basée sur la technologie est généralement aussi associée á une utilisation beaucoup plus importantes de combustibles fossiles, d'engrais, de pesticides et d’infrastructures d'irrigation.

Par ailleurs, étant donné que les données de la FAO ne tiennent pas en compte les pâturages pour l’alimentation du bétail ni les pêcheries, l'étude sous-estime l'ampleur réelle de l’utilisation  des terres et des ressources pour la production alimentaire humaine.

Enfin, à moins qu’il y ait une limitation sévère du niveau le plus haut de la consommation alimentaire (tel le maintien a un niveau permanent des rations de temps de guerre), les émissions liées à l'alimentation vont augmenter dû à la combinaison de deux facteurs: la conversion des terres et une agriculture plus exigeante en d’intensité d'intrants.

Mais la bonne nouvelle, est notre impressionnante capacité d'adaptation: tel que l’illustrent les analyses des auteurs, les régimes alimentaires ne sont pas des trajectoires à sens unique régies par la demande, mais plutôt des voies étonnamment flexibles dans le temps, influencées par ce qui est plus disponible et abordable localement et dans les marchés.

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Ce blog fait partie de la série AgClim Letters, un bulletin mensuel sur la politique scientifique écrit par Sonja Vermeulen, directrice de recherche du programme du programme de CGIAR 'Changement Climatique, Agriculture et Sécurité Alimentaire' (CCAFS). Inscrivez-vous pour le recevoir comme un bulletin électronique.