Un réseau de paysans innovateurs pour une agriculture durable en Afrique de l’Ouest
par l'equipe CCAFS en Afrique de l’ouest
Située dans le Nord du pays des hommes intègres, la localité de Kapessogo ne compte aujourd’hui plus grand monde. Et pour cause, les sécheresses des dernières décennies ont forcé les populations des villages environnants à fuir l’adversité pour s’établir dans des contrées beaucoup plus clémentes.
Moins de superficies arables et moins de main d’œuvre, un coup dur de plus pour les agriculteurs de cette localité au nombre desquels figure Boureima Ouédraogo.
Pourtant, ce sexagénaire a lui choisi de rester et s’évertue à transformer les contraintes en solutions.
Heureux pari qu’a fait ce paysan puisqu’il est aujourd’hui largement consulté pour sa maîtrise de bonnes pratiques agro-sylvo-pastorales. En ayant entrepris, il y a 15 ans d’appliquer la technique du cordon pierreux pour réduire le ruissellement et limiter l’érosion du sol, du zaï manuel et de la demi-lune pour restaurer et exploiter les terres dégradées dénudées, ce paysan est aujourd’hui parvenu à reverdir une bonne partie des terres autrefois incultes et à démontrer l’importance pour les petits producteurs d’innover à travers « l’apprentissage par la pratique ».
Oui, innover pour s’adapter! Tel est aujourd’hui un des défis majeurs du monde rural qui, en partenariat avec la recherche, contribue à améliorer des techniques traditionnelles de défense et conservation des sols, de gestion intégrée de l’eau et de la fertilité des terres, de restauration du couvert végétal… ou à en développer de nouvelles.
C’est d’ailleurs parce qu’il trouve ce processus de recherche développement très bénéfique, que Boureima et des voisins, ont créé l’Association des paysans innovateurs de la Province de Zandoma, constituée de près de 50 membres et dont il est aujourd’hui le Président.
Une visite du champ de mil de Boureima Ouédraogo suffit à convaincre du bien-fondé de sa stratégie d’adaptation et de réduction des échecs de production dus aux risques climatiques. Les plants de mil et de sorgho de son périmètre sont les mieux développés de la région et grâce à la diversification des cultures dans son champs et la pratique de la régénération naturelle assistée des jeunes pieds d’arbres qui poussent dans les poquets de zaï et les cuvettes de demi-lune, aux cordons pierreux qui maintiennent plus longtemps l’humidité dans son champs, ce paysan produit lui-même le fourrage pour nourrir son cheptel qui, en venant paitre, enrichit du même coup le sol avec les déjections
Lorsqu’on lui pose la question de savoir quels sont ses futurs projets, cet agriculteur d’un nouveau genre laisse entendre que suite à l’expérimentation du Zaï mécanique, il souhaite désormais acheter plus de bêtes - force motrice de son arsenal - pour labourer de plus grandes superficies de terres et ainsi réhabiliter plus de zones arides.
Le Dr Babou André Bationo, chercheur à l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), partenaire du programme CCAFS en Afrique de l’Ouest, souligne que l’expérience de Boureima constitue un « champ école » par le fait de la mise en œuvre de ce système de gestion intégrée basé sur 3 composantes. Le Dr Bationo ajoute qu’il est utile que ce type d’initiatives soit présentée à un plus large échantillon de producteurs qui permettront ainsi de forger un nouveau profil de paysans innovateurs dans la sous- région.
Afin de contribuer à la vulgarisation de cette expérience, le programme CCAFS en Afrique de l’ouest a entrepris de réaliser un film documentaire intitulé « Les paysans innovateurs du Burkina Faso réhabilitentles terres dégradées du sahel pour assurer leur sécurité alimentaire » pour documenter l’expérience de Boureïma et des membres de son association, grâce à l’appui de la recherche pour une amélioration continue des pratiques paysannes. Les pratiques de Boureima constituent véritablement un modèle d’agriculture intelligente face aux changements climatiques et mérite d’être largement disséminées dans des zones aux caractéristiques climatiques analogues, conclut Dr Robert Zougmoré, Coordonnateur du programme CCAFS Afrique de l’Ouest.
A propos de l’APIZ
Créée en 1989, l’association a eu plusieurs vies, son fonctionnement dépendant principalement de projets implantés dans la localité. A force d’abnégation, malgré une longue période d’inertie, ils obtinrent leur agrément en 2006.
C’est en 2008 que les membres de cette association ont pu tester et adopter une série de techniques qui ont changé leurs vies :« cordon pierreux », « Zaï » et « Demi-lune » ont en effet permis à ces agriculteurs de retrouver l’usage de leurs terres.
Ce blog est préparé par l'équipe de CCAFS en Afrique de l’ouest: Minielle Tall, Dr. Robert Zougmoré, et Dr. Abdoulaye Moussa.